La question des LGBTQ-phobies s’invite à Vauban

Intervention et sensibilisation

Le 17 mai est célébrée la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, commémorant la déclassification de l’homosexualité comme une maladie mentale par l’OMS le 17 mai 1990. Pour la première fois à Vauban, des élèves et des membres du personnel éducatif se sont saisis du sujet pour sensibiliser les élèves à la transphobie et à l’homophobie et faire reculer les discriminations et préjugés dont souffrent les élèves LGBTQ+. Portée par deux élèves de terminale, cette initiative, repoussée depuis deux ans à cause de la pandémie, a enfin pu se tenir. Elle a permis de faire avancer la vision de toute la communauté vaubanaise quant aux LGBTQ-phobies dans le cadre scolaire.

Les deux élèves sont intervenus dans les classes de seconde et troisième avec un membre de l’association Rosa Lëtzebuerg, principale association de défense des droits des personnes LGBTQ+ au Luxembourg. Ces interventions ont pour objectif de rappeler que les LGBTQ-phobies constituent des délits, mais aussi de remettre en cause des préjugés et de lutter contre certains comportements transphobes ou homophobes largement banalisés. En somme, favoriser l’intégration et le respect des élèves LGBTQ+ tout en permettant à chacun de s’informer sur ces sujets pas toujours évidents à aborder en classe ou entre amis. Le bilan de ces interventions semble largement positif aussi bien du côté des intervenants que des élèves. Nathan a ainsi expliqué qu’il se félicitait d’avoir contribué à faire évoluer les mentalités sur le sujet et il s’est également montré agréablement surpris de l’implication des élèves lors des interventions.

Le 17 mai, date hautement symbolique dans l’histoire des luttes LGBTQ+, a été vu comme une opportunité pour sensibiliser les plus jeunes et pour améliorer le vivre ensemble au sein de l’établissement. Cette journée a eu pour but de faire participer les élèves, de les impliquer au cœur de la problématique des LGBTQ-phobies pour susciter réactions, étonnements voire remises en question. C’est pourquoi, depuis le mois de novembre, les deux élèves instigateurs du projet, Nathan et Nils, travaillent conjointement avec Sandrine Esneault, conseillère principale d’éducation, pour donner vie à cette journée. Nathan et Nils ont constaté le manque cruel de prévention quant à l’homophobie et à la transphobie dans le cadre scolaire ; les chiffres de l’association française SOS Homophobie indiquent en 2019 une hausse de 38% des signalements d’actes homophobes ou transphobes en milieu scolaire, actes n’étant pas toujours sanctionnés. Face à ce constat alarmant, ils ont décidé d’agir.

« En intervenant dans les classes, nous avons remarqué que certains élèves ont pu s’interroger, en discuter avec leurs camarades et y réfléchir. Certains semblaient touchés, d’autres nous posaient des questions. Dans une classe, une opinion divergente est ressortie, et aussitôt des élèves ont répondu et débattu, ils se sont unis et j’ai trouvé ça excellent, car notre but était bel et bien de faire réfléchir les élèves et d’encourager leur ouverture d’esprit. »

Nathan, élève de terminale porteur du projet et intervenant

Ce dialogue ouvert et constructif entre les élèves et les intervenants semble avoir été facilité par la proximité entre les élèves des classes sensibilisées et les élèves intervenants. Grâce à la présence d’un membre de l’association, l’intervention a pu être plus intimiste et plus informelle contrairement à ce qu’elle aurait pu être dans un cadre scolaire traditionnel.

« L’avantage principal dont nous disposons est de faire partie de la même génération que notre public. Communiquer avec quelqu’un sur un sujet qu’il ne connaît pas, qui peut être considéré comme sensible par son interlocuteur, n’est pas évident et la barrière de l’âge peut être plus handicapante qu’on ne le pense ; il est parfois compliqué de trouver les mots justes. C’est assurément une thématique à aborder d’une façon autre que celle d’un cours normal. Les élèves, qui avaient de réelles attentes sur ces sujets ont eu tendance à répondre, à chercher le dialogue et à poser des questions, moins intimidés face à nous que face à des adultes. »

Nils, élève de terminale porteur du projet et intervenant

Nathan et Nils se montrent très optimistes quant à l’impact de leur intervention auprès des élèves et m’ont confié que même si la lutte contre l’homophobie et la transphobie est une entreprise de longue haleine, ils sont persuadés que leurs actions vont contribuer à changer la perception des LGBTQ+ et à faire reculer les discriminations à l’encontre des élèves LGBTQ+. Cet investissement et cette détermination semblent avoir été fructueux au regard des retours des élèves.

Du côté des élèves

Ayant interrogé plusieurs élèves de l’établissement, l’enthousiasme qu’a suscité cette journée a pu être mesuré de même que le bénéfice qu’ils en ont tiré. Des élèves de seconde m’ont ainsi révélé que l’intervention leur avait notamment fait réfléchir sur l’emploi courant d’insultes à tendance homophobes ou sur certains préjugés qu’ils avaient et la nécessité de les déconstruire.

Par ailleurs, les élèves d’autres niveaux ont souligné l’intérêt que présentait à leurs yeux l’exposition dans l’espace Mandela montrant de nombreuses personnalités clefs LGBTQ+ et des évènements ou œuvres ayant marqué ce mouvement. Une élève de terminale m’a ainsi dit qu’elle trouvait remarquable d’informer sur l’histoire des luttes LGBTQ+, de même que la volonté affichée de l’exposition de promouvoir et rendre visibles des personnalités issues de cette communauté. La scénographie de l’exposition a également été remarquée par les élèves qui ont trouvé qu’elle donnait envie d’aller lire et découvrir les affiches qu’elle présentait. Des secondes m’ont aussi confié qu’ils trouvaient appréciables que ce genre d’initiative se démocratise et que le dialogue sur l’identité de genre et sexuelle se libère peu à peu.

Aborder la question de l’homophobie et de la transphobie semblait donc être une vraie nécessité et attente de la part des élèves. Toutefois, certains ont émis quelques réserves quant à l’efficacité de l’initiative et à l’angle de l’exposition. De nombreux élèves ont trouvé dommage que cette problématique soit abordée seulement durant une semaine et estiment qu’elle devrait davantage rejoindre des sujets de fond qui méritent vigilance et information tout au long de l’année. Un élève de terminale m’a ensuite fait part de sa déception de constater essentiellement des artistes représentés dans l’exposition et déplore le manque de personnalités issues d’autres horizons ou de personnalités plus banales montrant que les luttes pour les droits des LGBTQ+ se jouent aussi au quotidien. Nathan a répondu à ce constat en me glissant que ces personnalités devaient davantage être vues comme des figures d’exemples non exhaustives auxquelles les personnes LGBTQ+ doivent en grande partie leurs droits, pourtant toujours trop partiels et inégaux selon les pays et les conditions, il a ensuite ajouté qu’il ne fallait pas oublier que « les personnes ayant le plus milité pour nos droits proviennent du milieu de l’art et du spectacle. »

C’est d’ailleurs dans cette optique que Nathan, Nils et les professeures documentalistes du CDI ont mis à l’honneur des œuvres d’auteurs LGBTQ+ ou traitant de l’identité de genre et sexuelle. Une des professeures documentalistes m’a d’ailleurs informée que de nombreux élèves ont déjà empruntés ou consultés les ouvrages disposés. Abordant des sujets variés comme la transidentité, l’orientation sexuelle, la vie familiale, la pression sociale, etc., ces essais, fictions, livres historiques, biographies, bande-dessinées ou encore livres pédagogiques montrent l’intention de l’équipe éducative d’aborder la question de la transphobie et de l’homophobie, ainsi qu’une volonté affirmée de favoriser chez les élèves l’acceptation de soi et de l’altérité dans le respect, la compréhension et la bienveillance.

Stand au CDI @ Hélène R.