Les femmes luxembourgeoises se mobilisent pour leurs droits

A l’occasion de la Journée des droits de la femme, le 8 mars 2022, a eu lieu la fameuse Fraestreik, la grève des femmes. Parti de la gare à dix-sept heures, le cortège est arrivé jusqu’à la place d’Armes vers dix-neuf heures, suivi d’un concert et de discours, dans une atmosphère d’euphorie générale.

Deuxième manifestation depuis son lancement, en mars 2021, la Fraestreik a cette année rassemblé plus d’un millier de manifestantes (et de manifestants), venus pour défendre les droits des femmes au Luxembourg. C’est la deuxième fois que Meline, bénévole de la plateforme Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes (JIF) qui organise la manifestation, prend part à la marche : « Il y a deux aspects à ma motivation, le premier est personnel. Mon père m’a toujours motivée à me battre pour les droits de la femme et l’égalité et il est mort, donc je fais ça pour lui. En plus de cela, je trouve que c’est un beau projet et je veux le soutenir« .

Ayant déjà participé à la marche l’année dernière, elle remarque une évolution : les thèmes deviennent plus complexes, mais en même temps plus populaires. « Les gens viennent vers nous avec leurs projets, leurs questions, leurs demandes, et c’est plus vivant« .

Le sujet sur lequel elle travaille cette année par son engagement, c’est d’abord celui de l’égalité au travail. « Les femmes font encore des travaux pénibles, qui leur sont souvent réservés ». En plus de cela, la JIF s’investit aussi pour les droits des femmes en situation de pauvreté ou de difficulté financière. « Que chacun puisse avoir un logement digne, même les gens qui n’ont pas de revenus très élevés », conclue Meline.

C’est la plateforme Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes (JIF), comme ils se décrivent dans leur biographie Instagram, qui organise la marche. Milena Steinmetzer, membre de la Confédération syndicale indépendante du Luxembourg (OGBL), et responsable communication de JIF, explique : « On a cinq grandes revendications : l’égalité salariale, donc que les femmes et les hommes aient le même salaire, mais aussi pour améliorer les conditions liées au temps-partiel, effectué majoritairement par les femmes, ce qui signifie une plus petite pension pour elles en général. Elles gagnent 44% moins en pension que les hommes. Cela veut dire que beaucoup de femmes se retrouvent dans la précarité lorsqu’elles vieillissent.

On demande aussi que les violences contre les femmes cessent. On parle notamment des violences psychologiques, qui ne sont pas très reconnues. Il y a aussi un terme qui s’appelle « féminicide », qui est un meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme, par son conjoint ou ex-conjoint. C’est quelque chose qui n’existe pas dans le Code Pénal luxembourgeois, et vu qu’il n’y a pas de définition, il n’y a pas non plus de chiffres. On ne sait pas combien de féminicides il y a au Luxembourg. On revendique donc une définition dans le Code Pénal. Et grâce aux chiffres, on peut trouver comment lutter contre cela.

Il y a aussi le logement qui est un gros sujet parce qu’il y a beaucoup de femmes qui ont des problèmes pour trouver des logements décents et abordables. Les foyers pour femmes sont ainsi débordés. Lorsqu’il y a des violences domestiques, les foyers sont débordés entre les femmes qui entrent et celles qui ne peuvent pas partir car elles n’arrivent pas à trouver de logement. Il y a pas assez de places. C’est très dangereux pour ces femmes car elles doivent décider si elles reviennent chez le conjoint violent ou si elles restent au foyer. Ce n’est pas une situation qui peut durer.

Il y a encore la réduction du temps de travail. Dans la loi, on travaille 40 heures par semaine, mais en réalité, on travaille beaucoup plus. Cela engendre beaucoup de stress, et les femmes sont aussi dans une situation dans laquelle elles ont du mal à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. C’est pour cela qu’il y a beaucoup plus de femmes qui font un mi-temps parce qu’elles doivent s’occuper des enfants, prendre en charge le travail domestique etc. C’est un peu un cercle vicieux. L’objectif c’est que tout le monde travaille moins pour que tout le travail non rémunéré qu’on fait à la maison puisse être mieux divisé égalitairement entre les femmes et les hommes.

Le dernier point c’est le congé de naissance. Pour le moment il y a le congé de maternité : une femme qui accouche a trois mois de congé de maternité après l’accouchement. Le deuxième parent peut prendre un congé parental, mais juste après les trois mois. Et après l’accouchement, ils ont seulement dix jours. La loi est écrite d’une façon qui fait que seulement les pères peuvent prendre ces dix jours. Mais les femmes lesbiennes ne peuvent pas prendre ce congé. On revendique donc la possibilité pour le deuxième parent, indépendamment de son genre, de prendre ce congé, mais aussi que ce ce congé soit élargi à trois mois aussi pour qu’ils puissent être les deux à la maison avec l’enfant”.

Plus tard, l’une des participantes partage son mécontentement sur la façon dont les jeunes filles sont éduquées : elles doivent toujours être belles, s’habiller d’une façon précise, agir doucement. « Je ne veux plus entendre : laisse pousser tes cheveux ! » s’exclame-t-elle. « Pourquoi n’y a-t-il pas les mêmes standards pour les garçons ? ». Quelques minutes avant, nous étions arrêtées par une passante : « Mais nous sommes libres ! Qu’est-ce que c’est que cette manifestation ? ». La première reprend : « Même ici, au Luxembourg, les femmes ne sont pas véritablement égales, nos droits ne sont pas respectés ».

JIF continue son engagement et répare déjà les groupes de travail liés à la manifestation de l’an prochain. Il est possible de rejoindre cette plateforme à tout moment, en les contactant sur leur compte instagram : @jif_luxembourg.