Le célèbre roman épistolaire Les Liaisons dangereuses fête cette année les 240 ans de sa publication. Le 23 mars 1782 paraissait ce chef-d’œuvre regroupant 175 lettres, qui a marqué l’histoire de la littérature française et qui est encore aujourd’hui considéré comme un « classique ». L’occasion de le découvrir ou de le redécouvrir.
Composée entre 1779 et 1781 par Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses est sans aucun doute l’œuvre littéraire la plus reconnue de ce-dernier. Militaire de carrière, il voit ses espoirs de gloire s’éloigner avec la fin de la guerre de sept ans et cherche alors la reconnaissance dans la littérature. Après des premiers textes (quelques poèmes et deux opéras comiques), qui sont des échecs complets, le roman Les Liaisons dangereuses lui apporte cette célébrité qu’il n’avait pas pu trouver dans la carrière des armes. Effectivement, Les Liaisons dangereuses connaît dès sa publication un immense succès, et, plus encore, crée un scandale retentissant. En témoignent les nombreuses reproductions illégales du livre, qui attestent à l’époque de sa popularité. Pourquoi ce livre fascine-t-il autant, non seulement à sa parution, mais aussi aujourd’hui ?

D’abord, l’intrigue, certes glaçante, mais aussi passionnante, rend le roman intéressant et captivant. Le lecteur découvre au fil des lettres les manigances de la marquise de Merteuil et du vicomte de Valmont. Anciens amants et libertins, ils entretiennent une correspondance où chacun veut impressionner l’autre. Au début du roman, la marquise propose à Valmont de séduire et de déshonorer Cécile Volanges, jeune fille avec peu d’esprit tout juste sortie du couvent. Cependant, il refuse cette « tâche », ayant un projet plus difficile, et donc plus éclatant pour sa réputation, qui est de conquérir la dévote Madame de Tourvel. Commence alors une histoire fascinante et terrifiante où chaque personnage se révèle au fil de ses écrits.
La forme du roman a aussi contribué à sa célébrité, faisant suite à la longue tradition du genre épistolaire, avec la publication, au XVIIIème siècle, d‘œuvres comme Les Lettres persanes de Montesquieu et La Nouvelle Héloïse de Rousseau. Chaque personnage possède un style qui lui est propre et qui évolue page après page. Quand Mme de Tourvel prend de l’importance aux yeux de Valmont, alors il ne la désigne plus comme « la Prude » mais comme « ma Belle ». Le lecteur est totalement plongé dans l’intrigue, presque comme si les lettres lui étaient adressées.
Lire Les Liaisons dangereuses, c’est découvrir une société disparue et comprendre les libertinages de mœurs et d’esprit. La description de comportements dissolus, cruels, vicieux et scandaleux a même entrainé son interdiction de vente au XIXème siècle ! La question de l’ambition morale (ou non) des Liaisons dangereuses est donc une question fondamentale et tout lecteur peut se forger son opinion à ce sujet. D’autre part, certaines problématiques du roman sont toujours actuelles. Encore aujourd’hui, les écrits, bien qu’ils ne prennent plus la forme de lettres, peuvent servir à manipuler. De ce fait, ce roman n’est pas du tout « dépassé » et instruira tout lecteur. Le sous-titre du livre est tout de même Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres !
Pour ceux qui ne souhaiteraient pas lire le roman, son succès l’a amené à être de nombreuses fois adapté à l’écran ; la plus notable et connue étant l’adaptation du réalisateur Stephen Frears, sortie en 1988. Acclamée par la critique et servie par un casting d’exception, avec John Malkovich interprétant Valmont, Glenn Close pour le rôle de Madame de Merteuil, ou encore Michelle Pfeiffer en Madame de Tourvel, il permettra d’avoir un bon avant-goût du roman. Cependant, le mieux est toujours de le lire, et spécialement à l’occasion de ses 240 ans !
Photographie : Amélie J.