Onoda, 10 000 jours dans la jungle

Un film historique et palpitant, un véritable coup de cœur, vient de remporter le César 2022 du meilleur scénario original. Onoda, 10 000 jours dans la jungle, raconte l’histoire incroyable et terrible d’un soldat japonais pour qui la Seconde Guerre mondiale ne prit fin que trois décennies après la défaite de son pays.

1974. Hirō Onoda remet son sabre et son fusil aux autorités philippines. Il accepte de se rendre, 29 ans après la capitulation officielle de son pays et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Onoda, 10 000 jours dans la jungle raconte l’histoire, incroyable mais vraie, du dernier combattant d’origine japonaise du deuxième conflit mondial à avoir déposé les armes. Il resta à son poste, vécut dans la forêt et combattit un ennemi inexistant pendant près de trois décennies !

Le film est le fruit du travail du réalisateur Arthur Harari, qui a également écrit le scénario avec Vincent Poymiro. Il a été acclamé par la critique et sélectionné comme film d’ouverture de la section « Un certain regard » au festival de Cannes, réception tout à fait méritée.

L‘intrigue est la première raison de voir le film. Durant deux heures quarante-cinq, la vie d’Onoda, tragique mais exceptionnelle, captive et bouleverse. Il est impossible de sortir de la séance indemne ! En effet, son destin est si particulier qu’il est nécessaire de préciser que toute cette histoire est véridique. Que le soldat Onoda est bien entré dans l’armée à l’âge de vingt ans, avant de suivre une formation spéciale d’élite. Qu’il a bien été envoyé, en 1944, sur l’île philippine de Lubang pour mener des actions de guérilla contre l’armée américaine. Enfin, qu’à la fin de la guerre, il a refusé de croire à la défaite de son pays et a continué le combat, du moins le croyait-il, avec trois de ses camarades. S’en sont suivis 10 000 jours de survie dans la jungle, dont il ne sortit qu’en 1974, alors que ses compagnons étaient morts ou s’étaient rendus. La vie de cette homme est l’exemple même de l’obéissance, inconsciente et presque folle, aux ordres, due à une société, une éducation et une formation particulières. Elle est l’exemple extrême du comportement de certains soldats japonais embrigadés pendant la Deuxième Guerre mondiale. 

Ce film est donc très intéressant puisqu’il permet de mieux comprendre quelle a été la vie de ce soldat, de quelle manière il a survécu, et surtout, comment un homme peut si aveuglément et si sûrement refuser la réalité, l’évidence.

Cependant, l’action n’est pas la seule réussite du film. La vie, ou plutôt la survie, de cet homme dans un environnement hostile est montrée avec une réelle application pour les décors, les costumes et le matériel utilisés. De la même manière, les acteurs endossent parfaitement bien leur rôle, particulièrement Yūya Endō et Kanji Tsuda, qui jouent respectivement Onoda jeune, puis plus âgé. Le choix du réalisateur de conserver le japonais comme langue originale du film permet de plonger le spectateur un peu plus dans l’ambiance, tout en découvrant de nouveaux comédiens, presque inconnus en Europe. En outre, la musique ponctue le film, mais c’est surtout le bruit de la jungle qui marque l’esprit, ainsi qu’une chanson japonaise traditionnelle que les soldats chantent régulièrement, dernier souvenir de leur pays. Ce subtil mélange permet de transmettre parfaitement l’atmosphère si particulière d’une vie dans la forêt, en état d’alerte permanent par peur d’une attaque ennemie (adversaires, qui, en réalité, sont partis depuis longtemps). De ce fait, le film est touchant, tout en présentant le plus exactement possible la réalité des combats. En effet, les soldats ne sont pas idéalisés et la violence de cette histoire saisissante n’est pas occultée. Onoda tua une trentaine de personnes à Lubang. De plus, il n’hésita pas à voler les habitants de l’île. D’autre part, les retours en arrière permettent de comprendre l’origine de l’engagement corps et âme de cet homme. On rêverait d’un autre film expliquant ce qu’Onoda est devenu une fois sorti de la jungle, afin d’avoir une vue d’ensemble, entière et complète, sur sa vie.

Onoda, 10 000 jours dans la jungle reste un film inattendu, original et intéressant. Pour relater une histoire si particulière, il fallait un très bon film, et c’est chose faite ! Le réalisateur, mais aussi les acteurs, plongent le spectateur dans un univers hostile et imprévisible, dépeignant des personnages complexes. Ils réussissent à apporter un regard historique et objectif sur le destin de cet homme. Visionner le film permettra de découvrir plus amplement les 29 ans de « guerre » et de survie d’Onoda sur une petite île de seulement 25 km².

Illustration : https://picryl.com/amp/media/hiroo-onoda-young-fac5f4