Le lycée Vauban a organisé le 19 novembre le salon de la bande dessinée. Pour cette occasion, Jérémie Dres, auteur des deux tomes de la BD Le jour où j’ai rencontré Ben Laden, est venu au lycée pour présenter son livre. ALETHEIA a eu la chance de l’interviewer ainsi que la personne dont il raconte le parcours, Mourad Benchellali, qui nous a répondu par visioconférence.

Mourad Benchellali a 20 ans, en l’été 2001, quand il part en voyage en Afghanistan.. Il se retrouve dans un camp d’entraînement Al-Qaïda et y reste bloqué jusqu’au moment des attentats du 11 septembre. Après s’être enfui, il est ensuite arrêté par l’armée américaine au Pakistan qui l’envoie à Guantanamo où il restera deux ans et demi avant d’être rapatrié en France. Il mène aujourd’hui des opérations de prévention contre la radicalisation.
A Jérémie Dres : Comment avez-vous connu Mourad Benchellali et pourquoi écrire sur ce sujet ?
J’ai découvert la fascinante histoire de Mourad Benchellali et Nizar en écoutant un podcast France Culture : Les pieds sur Terre. J’ai trouvé leur parcours très captivant et il m’a semblé intéressant de revenir sur le nouveau siècle marqué par les attentats du 11 septembre et le terrorisme. Nous sommes aujourd’hui tous témoin du radicalisme islamique et il me semblait intéressant de revenir sur l’avant 11 septembre, pendant lequel nous en ignorions beaucoup sur ce radicalisme.
A Mourad Benchellali : Avez-vous immédiatement accepté la proposition de Jérémie Dres d’écrire un livre sur votre histoire ?
A vrai dire, j’ai d’abord hésité, j’avais besoin de réfléchir avant de donner une réponse. Je ne trouvais pas quel était l’intérêt pour moi de participer à ce projet. Ensuite, je me suis rendu compte que la BD serait un bon support pour la prévention. J’ai donc recontacté Jérémie quelques jours plus tard pour lui annoncer que j’acceptais.
A Jérémie Dres : Pourquoi avez-vous décidé de vous représenter dans l’interview ?
Ma bande dessinée n’est ni une reconstitution historique, ni un documentaire. J’ai été marqué par le travail du réalisateur du documentaire Shoah Claude Lanzmann qui n’utilisait aucune image d’archives, uniquement des témoignages. J’ai, donc, aussi décidé de représenter le témoignage de Mourad lors de nos rencontres en étant le plus authentique possible. Certains moments étaient difficiles à raconter pour Mourad. J’ai donc préféré être honnête en admettant son incapacité à répondre en nous représentant en pleine discussion. Etant donné qu’on ne peut pas recréer le passé et que la mémoire change, je préfère écrire un récit historique et assumer en m’y représentant. J’avais aussi la volonté de montrer mon travail de reporter.
A Mourad Benchellali : Comment vos proches ont-ils réagi en lisant votre histoire ?
Ma famille ne s’est pas exprimée car elle a encore la volonté d’oublier le passé pour passer à autre chose et avancer. J’étais d’abord vexé qu’ils se désintéressent, mais je m’y suis fait. Mon frère, quant à lui, a clairement admis qu’il ne l’a pas aimée, comme toutes les autres actions que j’entreprends. Mon fils, quant à lui, a aimé la BD, il en est même fier. Nizar, l’ami avec qui j’ai vécu mon aventure, n’a jamais lu le tome 1 car il s’en veut toujours, c’est trop douloureux pour lui de revivre ça.
A Jérémie Dres : Combien de temps avez-vous pris à créer la BD et quel processus a été le plus long?
Je me suis rapidement retrouvé dépassé par la quantité de travail. J’imaginais au départ faire un seul volume et finalement j’avais tellement de matière que j’en ai fait deux. Je ne me voyais pas faire de raccourci car chaque passage est important. Le temps de production était aussi conséquent avec les dessins, la couleur et le scénario. J’ai aussi pris du temps pour réussir à contacter et à rencontrer des experts et témoins comme Ali Soufan, le maire de Vénissieux et Dominique de Villepin, l’ancien Premier Ministre.
A Jérémie Dres : Quelles techniques de dessins avez-vous utilisées ?
La confection de la BD s’est faite en plusieurs étapes. Pour commencer, il y a l’étape du crayonné avec des stylos de différentes tailles d’abord sur papier. Ensuite, je scanne les dessins en noir et blanc et les colorise. Cette étape est la plus longue et redondante. J’ai d’ailleurs décidé de jouer avec les couleurs et de créer un code couleur. Les scènes actuelles sont représentées en couleurs réelles tandis que le passé est représenté en bichromie : nuances sables pour l’Afghanistan, bleu, vert et gris pour l’univers carcéral et gris pour Vénissieux.
A Mourad Benchellali : Quelles ont été vos premières impressions à la lecture de la BD et de vous voir évoluer en tant que personnage ?
On a d’abord eu une dispute concernant le titre Le jour où j’ai rencontré Ben Laden. Je ne voulais pas être réduit à cette rencontre et être assimilé à Ben Laden. Pourtant, c’est bien mon histoire et je dois l’assumer, j’ai donc fini par accepter ce titre. Concernant la lecture du livre j’ai été étonné de la précision et fidélité avec laquelle Jérémie a retranscrit mon histoire.
A suivre dans l’épisode 2