En France, à l’heure où tous les partis affichent une sensibilité écologique, la place des formations politiques vertes semble fragilisée. Si l’écologie est désormais un passage obligé des programmes électoraux, faut-il pour autant un parti qui en fasse son combat unique ?
Une idée partagée.
Protéger la planète est une cause universelle, et le parti Les Écologistes entend bien en faire son combat principal. En même temps, chaque camp politique en France développe sa propre vision sur le sujet. Pour mieux la comprendre, nous avons visité les différents sites officiels des partis. Le centre droit, tel que La Renaissance, priorise le futur ; le développement des sciences et des innovations. « Nous proposons d’abaisser le taux de TVA des véhicules électriques considérant que l’électrification de la mobilité et une première nécessitée »1 Le PS défend une écologie centrée sur des solutions techniques et planifiées. Avec l’idée de soutenir une filière hydrogène pour décarboner les transports, il montre une volonté d’agir, mais dans un cadre mesuré, compatible avec l’économie « L’investissement public doit soutenir l’émergence de technologies décarbonées pour les motorisations, en particulier en mettant en place une filière hydrogène. »2 Le parti La France Insoumise exige une écologie sociale centrée sur l’égalité. Mais ils sont plus répressifs et contraignants. On peut prendre l’exemple de la taxe carbone ou des restrictions de circulation. « La sobriété … Elle combat fortement les consommations superflues, excessives et polluantes par les politiques structurelles, la réglementation et la taxe. »3 Et « Le Rassemblement National promeut une écologie de responsabilité et de gestion durable en privilégient les aides et les incitations plutôt que les sanctions, « Notre projet tourne la page de l’écologie punitive et de la mauvaise conscience. »4
On constate que l’écologie, bien que différente selon les partis, reste presque toujours représentée d’une manière ou d’une autre. Le programme des écologistes s’appuie également sur des valeurs humanistes partagées par la gauche, comme la solidarité, l’égalité ou la justice sociale. Pourtant, les enjeux liés à la « survie de l’homme» restent essentiels. Ils concernent des domaines aussi variés que la santé publique, l’énergie, l’agriculture, l’industrie ou le logement, et ne devraient pas être enfermés dans une distinction politique entre droite et gauche. C’est ici que se pose la question : Un parti écologiste est-il nécessaire dans le système francais ? Quand un seul parti s’empare de la cause écologique, le débat politique devient rapidement idéologique. On assiste alors à une polarisation : « les écologistes »et « les autres partis ». Cette division peut détourner l’attention du problème principal : la planète elle-même.
Et concernant les élections ?
Mais au-delà des différences idéologiques, comment ces positions se traduisent-elles dans les urnes ? Certains électeurs refusent d’adopter un parti vert simplement parce qu’ils rejettent les étiquettes politiques. Pourtant, ils se soucient profondément de l’environnement. Donc réserver l’écologie à un seul parti risque de l’isoler et de rendre les actions plus difficiles. Selon Arnaud Gilles, le spécialiste des politiques environnementales, « La classe politique déserte l’écologie au moment même où celle-ci s’installe dans le quotidien des Français. »5
Lors des élections législatives françaises de 2024, le groupe politique Les Écologistes (LÉ), qui regroupe Europe Écologie Les Verts (EELV) et d’autres partis écologistes, a obtenu 25 sièges à l’Assemblée nationale, dont 21 au second tour. Ce résultat représente environ 3,93 % des voix au niveau national. Ce score très bas résulte d’un rejet des électeurs, qui jugent le programme du parti trop hégémonique, c’est-à-dire fondé sur une influence excessive d’un seul sujet, au point de réduire l’espace laissé aux autres enjeux. Ainsi, le vote écologiste devient souvent un vote de conviction : le votant donne sa voix à un petit parti, tout en sachant que celui-ci a peu de chances d’être élu, mais qu’il correspond profondément à ses idées.
Notre sondage Ifop pour le JDD révèle que seul un Français sur cinq (19%) croit véritablement à la victoire d’Europe Ecologie Les Verts aux municipales.
— Ifop Opinion, Jean-Philippe Dubrulle6
Un sondage mis en avant par CNews et Le Point révèle que 65 % des Français considèrent les méthodes de protestation des écologistes radicaux comme « dangereuses ». Le sondage est le même, cependant son traitement diffère : CNews en a tiré une lecture très critique des écologistes radicaux, tandis que Le Point a proposé une analyse plus nuancée, soulignant que le rejet porte sur les méthodes, et non sur la cause. Face à ce rejet, certains électeurs choisissent alors le vote “utile” : ils redirigent généralement leurs voix vers La France insoumise (LFI) ou un autre parti politique de gauche. Ces partis ont une vision plus large de la gauche et gardent une place pour l’écologie, ce qui assure à l’électeur que son vote ne se perde pas et donne une meilleure chance de victoire à son parti de substitution.

Mais et si l’écologie n’était plus représentée ?
Si aucun parti écologique ne se faisait entendre, une faille pourrait rapidement apparaître. Si un parti peu sensible à l’écologie, comme le Rassemblement national (qui met l’accent sur d’autres priorités), arrivait au pouvoir, les conséquences pourraient être graves : l’écologie serait peu à peu écartée des décisions gouvernementales. L’absence d’une voix écologique forte qu’il s’agisse d’un parti, d’un porte-parole ou d’une personnalité influente, comme Nicolas Hulot (ancien ministre de la transition écologique sous Édouard Philippe), laisserait un vide dans la défense de la planète. Sans cette présence dédiée, aucun autre parti ne pourrait se concentrer exclusivement sur ces enjeux cruciaux, et les priorités environnementales risqueraient d’être reléguées au second plan au profit d’intérêts économiques ou électoraux immédiats.
L’utilité de ces partis est nuancée. Le parti écologiste Les Écologistes (anciennement les Verts) en est l’exemple.
Le Luxembourg, un autre modèle.
Au Luxembourg, les députés sont élus au scrutin proportionnel, un système où chaque parti obtient un nombre de sièges correspondant à son score électoral. Ce mode de scrutin permet à des formations de taille moyenne, comme déi Grèng (Les Verts), le parti écologiste luxembourgeois fondé en 1983, de rester présents dans le débat politique malgré la domination des grands partis traditionnels. Leur écologie, à la fois sociale et démocratique, se veut proche des citoyens et intégrée à la vie politique du pays. Contrairement au scrutin majoritaire français, où les petits partis peinent à exister, la proportionnelle assure que chaque voix compte réellement. Mais cette diversité a un prix : plus les partis sont nombreux, plus il devient difficile de former une majorité stable. Les compromis sont alors inévitables. Pour gouverner, les partis y compris déi Gréng doivent s’unir en coalitions, ce qui limite parfois la portée de leurs idées les plus ambitieuses.
Ce modèle de scrutin apparaît plus favorable et plus juste pour les petits partis, mais il comporte aussi certains dangers : une possible instabilité gouvernementale en l’absence d’alliances, la montée des extrêmes et, surtout, une fragmentation croissante de la vie politique.
Références :
1.https://doc.parti.re/Conventions-thematiques_Nouvelle-donne.pdf
2. https://www.ps.be/vision_2050_ps_politique_energetique_juste_durable
3. https://programme.lafranceinsoumise.fr/livrets/planification-ecologique/
4. https://rassemblementnational.fr/documents/projet/projet-lecologie.pdf
Illustrations : https://fr.freepik.com/search?format=search&last_filter=query&last_value=Illustration+ecologie+politique&query=Illustration+ecologie+politique
