Le 9 février 2024, Robert Badinter s’éteignait. Avocat au Barreau de Paris, ancien Garde des Sceaux sous la présidence de François Mitterrand, président du Conseil Constitutionnel et sénateur socialiste, il est panthéonisé le 9 octobre 2025, jour de l’anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France, cause dont il a porté le projet de loi et qui a profondément divisé les Français, le 9 octobre 1981. Retour sur les combats d’un homme devenu illustre.
Son mentor et maître, l’avocat et député français Henry Torrès, lui disait : « Ton problème à toi, ce n’est même pas de savoir ce qui est juste ou non. Ton seul problème, ta raison d’être, à toi, avocat, c’est de défendre. » Et pourtant, Robert Badinter fait d’une peine qu’il trouvait injuste, la peine de mort, son combat majeur, mené à partir de la condamnation à mort de son client, Roger Bontems en 1972.
Robert Badinter naît à Paris dans une famille naturalisée française en 1928. Son père, Simon Badinter, est arrêté et déporté par la Gestapo, avant d’être exterminé lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon le 9 février 1943, à laquelle lui-même échappe de peu. Le chef des opérations de la Gestapo lyonnaise et de cette rafle est Klaus Barbie, surnommé le « boucher de Lyon », officier de police SS nazi dont le procès pour crime contre l’humanité a lieu à Lyon, six ans après l’abolition de la peine de mort en France, en 1987. Ce procès historique s’ouvre avec, d’une part, 113 associations et particuliers se portant parties civiles, et, d’autre part, un seul prévenu, Klaus Barbie, et son seul avocat, Jacques Vergès. Malgré une haute couverture médiatique et de nombreux questionnements, Robert Badinter refuse de se constituer partie civile. Cette décision témoigne de son immense humanité, son pacifisme et son absence de haine face au bourreau de son propre père, qui lui-même ne devait pas écoper de la peine capitale selon lui.

Dans son discours à l’Assemblée Nationale prononcé le 17 septembre 1981 en faveur de l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter déclare à propos de la question des exceptions dans les condamnations à la peine de mort, que « (…) la formule « abolir hors les crimes odieux » ne recouvre en réalité qu’une déclaration en faveur de la peine de mort. Dans la réalité judiciaire, personne n’encourt la peine de mort hors des crimes odieux. Mieux vaut donc, dans ce cas-là, éviter les commodités de style et se déclarer partisan de la peine de mort. ».
Robert Badinter porte le projet de loi pour l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée nationale. Il est voté le 18 septembre 1981 après deux jours de débat, puis adopté par le Sénat le 30 septembre 1981. La loi abolissant la peine capitale est officiellement promulguée le 9 octobre 1981, faisant de la France le dernier pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort. En 2007, à l’initiative du président Jacques Chirac, abolitionniste convaincu, l’abolition de la peine de mort est inscrite dans la Constitution française.
Cette abolition met fin à plus de deux siècles de combat durant lesquels de nombreuses personnalités françaises comme Victor Hugo, écrivain et poète emblématique et engagé, s’étaient insurgées au XIXème siècle. Dans un discours à l’Assemblée constituante prononcé le 15 septembre 1848, Hugo, que Robert Badinter admirait, déclarait : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare la civilisation règne. » L’écrivain avait dénoncé de nombreuses exécutions et injustices qu’il jugeait inacceptables, comme lors de l’affaire Claude Gueux, restée célèbre et dont il a écrit un roman, véritable plaidoyer contre la peine de mort.
Au cours de sa carrière d’avocat, de sénateur et de ministre de la justice, Robert Badinter mène d’autres combats majeurs liés à la lutte pour les droits humains. Il se bat contre l’homophobie, notamment en portant le projet de loi de dépénalisation de l’homosexualité, soutenu par Gisèle Halimi, qui deviendra la loi Forni votée par l’Assemblée Nationale en 1982. En tant sénateur des Hauts-de-Seine, il entreprend en 1997 l’édification d’un monument pour les fusillés du Mont-Valérien, parmi lesquels figurent des résistants juifs, pour lutter contre l’antisémitisme. Robert Badinter favorise également la réinsertion des détenus dans la société, fait créer un régime d’indemnisation des victimes d’accidents de la route et lutte pour permettre aux citoyens français de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme. En tant que ministre de la justice, il supprime les juridictions d’exception comme la Cour de sûreté de l’État avec la volonté de renforcer l’État de droit.
Aujourd’hui, les mots « Je vote l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort » de Victor Hugo, résonnent comme une évidence. Mais cette évidence, comme beaucoup d’autres, n’a pas toujours été appliquée. La panthéonisation de Robert Badinter rappelle qu’avant toute évidence, il y eut un combat, et sert de véritable symbole de ses combats historiques et accomplis.
Valentina V.
