Le 25 novembre 2025, l’Italie a fait du féminicide un crime à part entière punissable d’une peine de prison à perpétuité. Retour sur cette réforme importante.
C’est un chiffre glaçant. Toutes les dix minutes, une femme est tuée par son partenaire ou ancien partenaire dans le monde. Il s’agit d’un féminicide, c’est-à-dire du meurtre d’une femme ou d’une fille parce qu’elle est une femme, un terme popularisé par la sociologue féministe Diana Russell en 1976. Face à cette situation, le gouvernement italien de Giorgia Meloni a mis en place une proposition de loi afin d’ajouter un article au Code pénal italien concernant les féminicides. Celle-ci a été approuvée par le Sénat en juillet 2025 et votée à l’unanimité par la Chambre des députés italiens le mardi 25 novembre 2025, avec 237 voix pour et aucune voix contre.
Dans le journal français Libération, la journaliste Mila Thiebault note que le vote symbolique de la Chambre des députés est « un signal fort envoyé par l’Italie, à l’occasion de la journée consacrée à l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans le monde. ». L’Italie est ainsi le quatrième pays membre de l’Union Européenne à inscrire une définition du féminicide dans le Code pénal, après Chypre, Malte et la Croatie. Mais cette avancée n’arrive pas à un moment quelconque. Selon Libération, « il aura fallu que le meurtre de Giulia Cecchettin par son petit ami fin novembre 2023 bouleverse suffisamment le pays pour que sa classe politique agisse. ». Ce féminicide avait choqué les Italien.ne.s et la sœur de l’étudiante de vingt-deux ans avait décrit son meurtrier comme « le fils bien portant d’une société profondément patriarcale. »

Dans un article intitulé « Le féminicide n’est pas une folie soudaine, mais une culture qui devient comportement », le journal italien La Stampa rappelle que ces crimes « ne sont pas des cas isolés. ». Il y est également souligné l’important « rôle de la narration ». Selon La Stampa, « Raconter bien signifie contribuer au changement. »
Interviewée dans un article de la BBC le lendemain de l’adoption de la réforme, la juge italienne Paola di Nicola, qui a contribué à la rédaction de la nouvelle loi sur les féminicides, explique que cette réforme « montre que l’Italie est enfin en train de parler du fait que la violence contre les femmes a des origines profondes. Le premier effet est de faire en sorte que le pays discute d’une chose à laquelle il n’a jamais été confronté. ».
La réforme adoptée par l’Italie a également incité à une réflexion plus globale. C’est ce que souligne un article du journal québécois Le Devoir, intitulé « L’Italie agit contre les féminicides, qu’attend le Canada pour en faire autant ? » et publié quelques jours après l’adoption de la réforme en Italie. Le Canada, désigné comme pays « en retard » sur la question des féminicides, est dénoncé pour son inaction quant à l’introduction du féminicide dans un texte juridique : « Pendant que l’Italie franchit ce pas, aussi tardif soit-il, le Canada demeure immobile. Ici, le féminicide n’a toujours aucune existence juridique. ». Selon Le Devoir, nommer le féminicide et éviter « l’euphémisme » d’ « homicide « non qualifié » » est un pas nécessaire à franchir.

Avant cette réforme, inscrite dans l’article 577 bis, paragraphe 1 du Code pénal italien, le texte prévoyait des circonstances aggravantes en cas d’homicide d’une femme, mais uniquement si le meurtrier était marié ou avait un lien de parenté avec la victime. La Première ministre italienne Giorgia Meloni, issue du parti d’extrême droite « Fratelli d’Italia », « Frères d’Italie », s’est aussitôt félicitée de cette réforme, qu’elle décrit comme un « instrument supplémentaire » pour « défendre la liberté et la dignité de chaque femme ».
Cependant, dans un article du journal européen Euractiv, la journaliste Alessia Peretti explique que plusieurs critiques ont été émises à l’égard de cette réforme. En effet, selon de nombreux juristes, « la loi ne changerait probablement pas grand-chose dans la pratique » et l’Italie adopterait « un outil pénal « populiste » ayant peu d’effet concret. » Le président de l’Association nationale des magistrats, Cesare Parodi, a notamment déclaré que « La loi ne touche pas aux causes culturelles et institutionnelles profondes de la violence à l’égard des femmes, qu’il s’agisse du sous-financement des services ou des normes sociales profondément ancrées ».
Malgré ses limites liées aux causes culturelles profondément ancrées dans les sociétés, la réforme du Code pénal italien concernant les féminicides est une avancée dans une lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides, puisqu’elle inscrit la notion de féminicide dans un cadre juridique et permet la reconnaissance de ce crime.
Valentina V.
Source photographie : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Collage_femminicidio_Bologna.jpg
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