Le lundi vingt-deux septembre 2025 a eu lieu une rencontre entre Kamel Daoud et son lectorat francophone de Luxembourg, à l’IPW (l’Institut Pierre Werner). Kamel Daoud est un écrivain algérien francophone reconnu, auteur entre autres de Meursault, contre-enquête, et Houris, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt, en 2024. Son œuvre étant en partie symbole d’opposition au régime autoritaire algérien, l’auteur fait l’objet d’une « fatwa » et de menaces. Arrivé par la suite en France, il a « envie de vivre ».

L’écrivain est d’abord journaliste et chroniqueur, il place alors la question du pouvoir au centre et fait déteindre les enjeux politiques jusque dans ses livres. Dans Houris, Daoud revient sur l’occultation de la « décennie noire » (1992-2002) accompagnée de ses massacres et de ses violences. Houris interrroge la notion de mémoire en Algérie et de ses héritages dans la jeunesse algérienne : c’est « une quête de salut et de résurréction ». Daoud affirme dans ces 416 pages ce dont il est certain : « la violence, quand passée comme une vertu du salut, se répétera », en somme, « la violence est un endettement ». De son Algérie natale, il dit que « ce n’est plus seulement un sujet politique pour [lui], mais […] un véritable roman, une énigme ». « Déserteur d’une idéologie », il écrit pour « approfondir ses obsessions », pour réfléchir à « l’après » ». Kamel Daoud est désolé par l’intolérance dont fait preuve le gouvernement autoritaire d’Algérie, face à la « l’expression de la singularité de l’écrivain », qui criminalise l’écriture, enferme son ami, Boualem Sansal. Et pourtant, il n’existe pas de « pays qui a vocation à emprisonner, c’est un choix d’Homme »…
Féministe résolu, Kamel Daoud confronte la « théorie du bonheur du monde arabe » à l’impossibilité d’être heureux sans que les femmes le soient. Le journaliste confesse que « c’est dans le statut des femmes que [l’Occident] dépasse [le monde arabe] » lorsqu’il compare ces deux pôles méditerranéens. « Quand tout va mal, on le reproche aux femmes » ; pour Daoud, c’est le « noyau dur de la réfléxion ».
Daoud est un écrivain-né, ayant dans la peau une appétaence obsessionnelle pour les bibliothèques et les librairies depuis petit. Frustré par le manque d’ouvrages chez lui, il relit sans cesse les mêmes romans dans sa jeunesse, découvrant à chaque fois de nouveaux détails et construisant à chaque fois sa personnalité littéraire. « Je suis quelqu’un qui écrit les livres dont j’ai manqué à un moment », dit-il. Un manque dans l’enfance vite compensé par le nombre de livres pharaonique que Kamel Daoud rencontre en Occident, lorsqu’il s’y rend pour la première fois : « c’était atroce d’avoir tout en même temps ». Sonné par cette surabondance littéraire, il « vomit ».
À un certain âge, naît en lui une révolution : il réalise qu’il ne « veux pas consacrer [sa] vie à être dans la boucle de ceux qui [l’] attaquent », pour Daoud cette phrase est un apaisement. À une question mettant en lien rire et culpabilité, il répond « autant rire de son cadavre » : « [il] aime rire, et vivre c’est rire ». Pour son propre bonheur, il préfère « s’intéresser au monde au lieu d’être dans l’équation franco-algérienne » et considère que « Dieu est un choix, une équation intime, une quête flamboyante, fascinante ». Peut-être lassé du monde et de son agitation constante, il affirme que « la politique ce n’est que l’un des prénoms du destin ».
Un livre est pour Kamel Daoud « un problème attaqué par tous les biais pour en atteindre le centre et le résoudre ». Un livre doit, pour lui, assouvir : « un roman, je l’écris quand il devient nécéssaire », dit-il. Un livre peut apporter une des « formes de bonheur la plus simple » : « le soulagement ». Un livre incarne l’affranchissement, et, souvenez-vous « l’endroit libre est le plus beau du monde ».
Clotilde S. 1C
