Retour sur l’éducation des enfants britanniques durant l’Empire, un des piliers fondamentaux ayant permis cette expansion à travers le monde et les siècles.
La “public school” anglaise, ensemble des écoles privées en Angleterre durant l’époque victorienne comme Westminster School ou Eton College, a formé les hommes qui ont permis à l’empire britannique d’exister. Le système d’éducation est parvenu à convertir de jeunes hommes privilégiés de la classe moyenne en futurs gouverneurs de l’Empire britannique. Le système éducatif a été conçu pour éloigner les garçons de leur zone de confort habituelle, de leur famille, et de l’influence de leur parents.
Comme le montre le livre This Small Island : Britain, Size and Empire, écrit par Linda Colley, ce système scolaire n’a pas mis l’accent sur les sciences ou les maths et ne s’est pas centré pas sur le futur mais plutôt sur le passé. Il s’est calqué sur le monde classique dans lequel la conquête s’est faite par la force et l’épée. La plupart des enseignements ont été consacrée à l’étude des classiques tels que La Guerre des Gaules de Jules César. L’Empire romain a fourni un exemple, exaltant des valeurs de puissance et de domination. Ces modèles ont permis de trouver des réponses aux questions telles que : Comment créer et gérer un empire ? Comment avoir le courage, la confiance en soi et “les tripes” de prendre le pouvoir sur des milliers de locaux dans des pays étrangers ? Comment ressembler à un chef, agir comme un chef, et croire que l’on est un chef. Le système scolaire a accordé une grande importance à la discipline, le respect des règles et du christianisme. De même les activités sportives telles que le hockey ou le rugby avaient pour but d’introduire les enfants aux valeurs de l’Empire : courage physique, esprit d’équipe et audace pour tenter des choses. Le décret de 1868 de la “public school” a ainsi permis de réduire les coûts scolaires, en attribuant des bourses pour des garçons dans les internats. En 1870, il a aussi permis à 2,1 millions sur près de 4,3 millions d’enfants au Royaume Uni, d’aller à l’école, contre 1,2 millions environ en 1831. Cela représente une énorme augmentation par rapport au siècle précédent. L’intérêt se plaçait davantage au service de l’empire plutôt qu’à l’éducation.
Du XVIIe au XXe siècle, les pays européens les plus développés avaient pour objectif de conquérir d’autres territoire dans le monde. Aucune puissance coloniale n’a pu rivaliser avec la Grande Bretagne. À son apogée, l’Empire a concentré plus d’un quart de la population terrestre et un quart de la superficie des terres. Il a été un des plus grands empires de l’histoire et il a duré plus de 300 ans. La Grande Bretagne est ainsi devenue la nation la plus puissante sur Terre, s’étendant de la neige de l’Arctique au sable du désert du moyen Orient, de l’Afrique du Sud à l’Australie, de Singapour au Canada, de l’Inde à la Jamaïque. Avant tout motivée par l’avidité et la soif de pouvoir, certains justifiaient aussi cet élargissement de l’empire par une visée morale qui consiste à convertir le monde au christianisme, comme en témoigne l’historienne Felicity Jensz, lorsqu’elle explique « Missionaries were major providers of education in the colonial world, and in many cases were the initial and exclusive agents of education for Indigenous and non-European people, whom they hoped could be converted to Christianity through religious schooling. » * Alors que la Grande Bretagne avait réussi à s’offrir une très vaste partie de la planète, ces territoires étaient en réalité fragiles. Les Britanniques manquaient de main d’œuvre pour gérer les colonies, c’est pour cela que l’école a été instrumentalisée dans cette entreprise.
Ont servi de modèle pour cette école, des personnalités comme le missionnaire David Livingstone à la recherche de la source du Nil, Charles Gordon, un militaire anglais mort pendant la bataille du siège de Khartoum, les explorateurs Capitaine Cook et John Franklin, Scott de l’Antarctique, ou la fameuse charge de la “Light Brigade” dans le feu des canons russes. Ces personnalités ont été glorifiés, traitées comme des héros, sans révéler les affres de la colonisation.
À la fin XIXe siècle, de larges territoires de l’Afrique appartenaient à la Grande Bretagne. D’innombrables régions étaient gouvernées par un faible contingent de britanniques. Dans les années 1930, 1 200 fonctionnaires administraient plus de 43 millions d’Africains. Ces fonctionnaires sont parvenus à bluffer cette grande population, terme d’origine anglaise désignant l’action de faire croire à un autre que l’on compte réaliser une action incertaine, employé par des historiens, comme Felicity Jensz. Comme dans d’autres parties de l’Empire, les souverains locaux étaient persuadés, “invités”, forcés de travailler pour les colons britanniques. Souvent, ils disposaient d’un pouvoir mais limité et sous l’influence anglaise.
L’Empire a payé des soldats locaux pour se battre à leurs côtés mais les soldats anglais menaient toujours les troupes locales, comme ce fût le cas notamment en Inde où de nombreux étaient formés au combats par les anglais. Les colonisés constituaient une main d’oeuvre pour maintenir le contrôle sur les colonies. L’autorité britannique reposait sur un excès de confiance. Tant que l’illusion de grandeur et de pouvoir se maintenait, les troupes peuvent régner sur les colonies. La force de ce coup de “bluff” étaient tout simplement incroyable, à tel point que 6000 fonctionnaires britanniques dominaient environ 200 millions Indiens.
Face à cette politique d’éducation orientée vers la colonisation, peu de voix se sont élevées pour les contrer. Dans les années 1960, les colonies ont progressivement demandé et gagné l’indépendance. Le développement de colonies durant des siècles a été perdu en quelques décennies. Le puissant Empire Britannique s’était effondré. « The bluff had finally been called. »

*Les missionnaires étaient d’importants pourvoyeurs d’éducation dans le monde colonial et, dans de nombreux cas, ils étaient les agents initiaux et exclusifs de l’éducation des peuples autochtones et non européens, dont ils espéraient qu’ils pourraient être convertis au christianisme par le biais de l’enseignement religieux.
Sources :
Carte : https://en.m.wikipedia.org/wiki/File:BritishEmpire1919.png
Colley, Linda, ‘‘This Small Island’: Britain, Size and Empire: Raleigh Lecture on History’, in P. J. Marshall (ed.), Proceedings of the British Academy, Volume 121, 2002 Lectures (London, 2003; online edn, British Academy Scholarship Online, 31 Jan. 2012), https://doi.org/10.5871/bacad/9780197263037.003.0006, accessed 8 Jan. 2025
Bherer, Marc-Olivier. La nostalgie de l’Empire britannique, une querelle anglaise. Le monde [en ligne], 6 mai 2023, [Consulté le 22 janvier 2025]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/05/la-nostalgie-de-l-empire-britannique-une-querelle-anglaise_6172163_3232.html#:~:text=Enqu%C3%AAteBouscul%C3%A9%20par%20une%20nouvelle,jamais%20vraiment%20cess%C3%A9%20de%20v%C3%A9n%C3%A9rer.
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