A l’occasion de l’An Olympique au sein de l’établissement, nous avons eu l’occasion de rencontrer Mme. Diane de Navacelle de Coubertin, descendante du fondateur français des Jeux olympiques modernes : Pierre de Coubertin.

Imrane A. – Bonjour Madame de Coubertin, merci d’avoir accepté cet entretien ! Vous êtes la descendante de Pierre de Coubertin. Quel héritage est-ce que vous tenez de votre aïeul ?
Diane de Navacelle de Coubertin – Quel héritage ! Un sacré héritage, j’ai envie de dire. C’est un héritage qui est très stimulant et qui donne envie de continuer de porter ce que lui a commencé à construire, les idées, qu’il avait, il y a plus de 100 ans, et qui sont encore parfois si actuelles. C’est assez extraordinaire, je trouve, d’avoir cet héritage, de savoir que Pierre a, peut-être, été un de ceux qui a fait quelque chose et qui a marqué son époque, et plus que son époque, l’histoire, « L’histoire avec un grand H », comme on dit. Les personnes qui font bouger les choses sont souvent des personnes et des personnalités complexes. Après, rien n’est parfait, personne n’est parfait même. Il y a toujours des choses controversées, parfois sur lesquelles on m’attaque comme si c’était moi qui les avais dites, et comme si on les avait dites aujourd’hui alors que c’était il y a cent ans, et qu’on oublie de recontextualiser. Cela arrive très couramment. Les gens aiment toujours bien les grains de sable, plutôt que tout ce qui a été positif, c’est plus intéressant ce qui grince. Mais je trouve que c’est une belle chance d’avoir l’opportunité, peut-être, aussi, de contribuer à faire évoluer cet héritage.
Imrane A. – Est-ce que vous avez des anecdotes, peut-être plus de l’un de sa vie plus privée, peut-être que nous, on n’a pas accès en tant que grand public, qui vous sont parvenus ?
Diane de Navacelle de Coubertin – Oui, il y en a plein. En fait, il y a plusieurs choses qui me traversent l’esprit. Moi, je n’ai pas connu Pierre de Coubertin mais mon grand-père l’a connu. Il l’a emmené au jeu de 1924 à Paris, avec une autre de ses nièces, alors qu’ils avaient, tous les deux, à peu près une quinzaine d’années. C’était les premiers Jeux olympiques de mon grand-père et les derniers Jeux olympiques de Pierre, puisque ce sont les Jeux de 1924 qui se sont déroulés à Paris. Il fait revenir les Jeux, dans son pays, en espérant qu’ils prendront de l’importance et surtout qu’ils lui survivront. Je pense que ça, c’était vraiment ce qu’il espérait. Donc, ces Jeux sont intéressants parce que ce sont les derniers de Pierre et que ce sont les derniers qui ont eu lieu à Paris, il y a 100 ans. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’il va emmener mon grand-père voir un match de tennis féminin. Pierre est très souvent attaqué sur le sujet de la femme dans le sport, et, sur le sujet de la femme dans l’olympisme puisque, dès le début, il n’était pas pour que les femmes participent aux Jeux olympiques. Pas parce qu’il pensait que ce n’était pas bien qu’elles fassent du sport, mais parce que la société de son époque était comme ça, et, que les femmes, à ce moment-là, avaient des robes longues, devaient avoir des corsets, des chapeaux et que voir une femme dénudée montrant des parties de son corps, ce n’était pas « correct », que c’était toute une autre époque et une autre manière de penser de la société. Souvent, on lui reproche ou on le targue d’être misogyne parce qu’il a pris des positions qui étaient celles de tous les hommes de cette époque. C’était évidemment un homme de son époque. Pourtant, il était aussi avant-gardiste quand il disait qu’il fallait travailler à l’égalité des sexes, que c’était légitime de créer des lois qui protègeraient la femme de la tyrannie maritale. Dire quelque chose comme ça dans les années 1900, c’est un peu fou. Je ne pense pas qu’on puisse dire que c’est très misogyne. Voir plutôt l’inverse, même un peu avant-gardiste, on pourrait presque dire que c’est « féministe ».
Imrane A. – Justement comment voyez-vous la place de la femme au sein des Jeux Olympiques depuis cette époque jusqu’aujourd’hui, un siècle après ?
Diane de Navacelle de Coubertin – C’est une évolution qui est longue, qui est lente. On parle de la place des femmes dans les Jeux Olympiques, on pourrait parler de la place des femmes dans la société, parce que c’est toujours lié, et qu’elle diffère selon les pays. Les premiers Jeux, c’est 1896 avec le discours fondateur. On va donc être cette année, en 2024, à 128 ans des premiers Jeux Olympiques, et c’est la première fois qu’on aura une parité, c’est-à-dire un nombre égal d’athlètes femmes et d’athlètes hommes qui vont participer aux Jeux Olympiques. C’est un clin d’œil amusant. Je trouve que c’est chouette que ce soit à Paris que cela arrive. C’est aussi à Paris qu’il y a eu les premières femmes aux Jeux Olympiques. Les gens pensent toujours que c’est après la première guerre, voire parfois même après la deuxième guerre mondiale, puisque Pierre, au départ, s’est opposé à la participation des femmes aux Jeux. Pourtant, en 1900, donc dès les deuxièmes Jeux Olympiques et les premiers Jeux à Paris, il va y avoir 22 femmes qui vont participer sur cinq sports différents. Chacun peut polémiquer à droite et à gauche, mais moi, je me dis, regardons les faits. Les faits sont que Pierre, en 1900, est le fondateur des Jeux Olympiques modernes, le président du Comité international des Jeux Olympiques, celui qui a écrit la charte olympique, c’est-à-dire la réglementation des Jeux Olympiques, et que, pour un misogyne, c’est étonnant qu’il n’ait mis aucune règle qui interdise la participation des femmes. Quand ces femmes viennent participer, il aurait encore une fois pu leur dire, « ben non, mesdames, vous êtes illégitimes », ou « non, vous n’avez pas le droit » ou il aurait pu l’empêcher d’une manière ou d’une autre. Cela aurait été très simple et, très certainement, approuvé par absolument tous les hommes de cette époque. Mais il ne l’a pas fait. Donc il y a la réalité et le fait, c’est qu’il a dit quelque chose et qu’il a agi en contradiction avec certaines de ses paroles. Je pense qu’une personne n’a pas qu’une seule facette. Il faut mettre les choses en perspective : analyser, regarder avec un peu de recul et puis constater les faits. Il était un homme de son époque, il avait aussi ses idées. En même temps, je pense qu’il n’était vraiment pas opposé aux femmes, à leur liberté, leur indépendance et au fait que les femmes puissent faire plus de choses. Sa propre sœur, dont je descends, était une très grande écuyère et personne, lui le premier, ne l’a jamais critiquée en lui disant qu’il ne fallait pas qu’elle fasse du sport ou du cheval. Les femmes de sa famille, n’ont jamais, à priori, ressenti, « un sentiment de misogynie », de sa part. Tout n’est peut-être pas juste noir et blanc. On a peut-être quelques nuances de gris entre les deux. Donc, je pense que, oui, la place de la femme, est un sujet hyper actuel encore, parce que ce n’est que cette année, en 2024, qu’on aura une parité aux Jeux Olympiques. La parité c’est un mot que je trouve toujours un peu délicat ou un peu galvaudé. Parce que faire de la parité pour faire de la parité, pour moi, ça n’a pas de sens. On met quelqu’un ou on propose à quelqu’un quelque chose pour ses compétences, pour son savoir-faire, sa connaissance mais pas pour cocher des cases. C’est parfois même desservir une cause de faire cela. On est dans une ère où, on parle beaucoup de la parité de la femme. Et je travaille quand je le peux, pour que les inégalités ou les injustices, effectivement, soient vues, entendues et que cela évolue. Il y a beaucoup de choses dont on parle dans le sport, comme, par exemple, encore très récemment, beaucoup de fédérations dans lesquelles la situation de la femme était, par bien des aspects, très différente de celle de l’homme. Je vais évoquer, par exemple, les agressions sexuelles, les salaires qui ne sont pas les mêmes, plein de choses qui, là, oui, ne me paraissent pas normales ou justes. Normal, c’est un mot très galvaudé aussi. Ce que je trouve intéressant, c’est de trouver un juste équilibre. Moi, je me battrai davantage contre ce que je trouve ou je pense être injuste que de vouloir plutôt tout lisser, tout uniformiser et de rendre tout paritaire. C’est pour cela que moi, je ne suis pas une très grande adepte de ce mot. Mais aujourd’hui, ce qui est sûr, c’est que si on attend cette parité dans les jeux pour les femmes, c’est un grand et un super pas en avant. Et pourquoi ? Parce que c’est aussi un pas en avant pour l’humanité. Les jeux ont cette force et cette puissance de réunir 206 pays, c’est-à-dire quasiment tous les pays du monde. Si tous les pays du monde, y compris certains qui, aujourd’hui, sont très loin d’être paritaires, ou justes par rapport à la place de la femme dans leur pays, voient que les Jeux olympiques vont dans ce sens-là et que 206 pays voient cela, peut-être, cela pourra aider à faire bouger certaines lignes dans certains pays. Moi, j’ai de la chance, je vis en France. Et en France, il y a sûrement encore des batailles à mener et des choses à faire avancer, mais on est loin d’être dans la situation de certaines femmes d’autres pays. Je pense qu’en donnant une forme d’exemplarité, cela pourra inspirer et ouvrir des portes, et ouvrir des réflexions.
Imrane A. – Toujours pour revenir sur Pierre de Coubertin, qu’est-ce que vous pensez du travail qu’ont effectué les différents comités olympiques à travers l’histoire ? Depuis, qu’est-ce qui a changé en positif, en négatif ?
Diane de Navacelle de Coubertin – C’est une question intéressante. Pierre, il a été le plus long président du CIO, puisqu’il a été le deuxième président. Le premier président, c’est Dimitri Vikelas, grec, pour les Jeux de 1896 à Athènes. Pierre, s’est rendu compte qu’il avait besoin d’appui fort de la part des grecs. Il prend la présidence juste après les Jeux, parce qu’il veut faire voyager les Jeux. C’est là où ils vont un petit peu se séparer, on va dire, se disputer, parce que Dimitri a voulu garder les Jeux en Grèce, ce qui peut se comprendre. Mais Pierre veut que ces Jeux voyagent parce que lui, en arrière-pensée, il a cette idée de faire se rencontrer les pays, et, que chaque pays puisse avoir l’opportunité de recevoir, en même temps que les Jeux, le monde entier pour lui partager et lui faire découvrir sa culture. Il y a des temps forts dans les différentes présidences du CIO. Pierre, est celui qui pose la structure, qui pose la base, qui construit. Il a vraiment posé des bases très profondes ou solides parce qu’aujourd’hui encore, il y a des choses qui sont appliquées au pied de la lettre. Et puis, il y a des choses qui évoluent. La charte olympique, qui fixe les règles des Jeux olympiques, évolue aussi. Elle évolue avec la société, avec les besoins, avec les nouveautés qui arrivent et qui n’existaient pas. Le téléphone, le e-sport, qu’est-ce qu’on fait avec tout cela ? Cela doit forcément évoluer, cela doit questionner, cela doit faire réfléchir et cela doit proposer. Après, il y a des présidents qui vont être plus coubertiniens, comme on dit, et d’autres moins, ce qui est aussi intéressant. Pourquoi certains le sont plus, pourquoi certains le sont moins ? Après, l’idée, ce n’est pas de faire un jugement ou une critique, mais je pense que ce qui est important, c’est que selon les présidences, on essaye de continuer d’avancer, et, que ce CIO reste surtout en phase avec son idéologie première et le temps dans lequel il s’inscrit.
Imrane A. – Pour Paris 2024, vous avez des pronostics sportifs ? Combien de médailles ? Peut-être la France en tête ?
Diane de Navacelle de Coubertin – J’aimerais bien, ce serait merveilleux, mais je suis réaliste. Alors, ce qui est sûr, c’est que j’espère, et c’est attendu de tout le monde, qu’il y ait plus de médailles qu’aux précédents jeux. Je pense que, comme dans tout pays hôte, il y a la fierté nationale. Quand les athlètes sont chez eux, ils sont aussi avec leurs supporters, dans un environnement qui leur est familier, et cela va leur donner une sorte de boost, d’adrénaline, ce petit truc en plus, qui peut faire cette différence de « parfois une médaille », ou « pas de médaille », ou « d’une médaille en or » plutôt qu’une en argent. J’espère et j’y crois sincèrement. Maintenant, de là à dire que la France sera en première place du classement de tous les pays, c’est un peu trop optimiste. Si on est dans le top 10 et dans le top 5, ce sera super. Ce n’est pas dévalorisant du tout de dire cela, c’est aussi connaître ces athlètes, connaître la réalité, connaître les disciplines, savoir qu’il y a aussi des athlètes dans d’autres pays, qui ont des entraînements différents, qui ont des moyens différents, parfois moins bons, parfois meilleurs. Qu’on n’est pas forts tous de la même manière, au même endroit et dans les mêmes sports. Ce que j’espère, c’est qu’on ait le plus de médailles méritées que nos athlètes français puissent aller chercher. Je pense que mettre un quota, un ratio, etc., oui, c’est bien, ça donne un objectif. Même si la médaille est importante, la reconnaissance, la récompense du dépassement, c’est aussi la médaille. Mais je pense que le plus important, c’est de vivre l’instant, de vivre ses jeux à Paris. Ça va être un moment unique et historique, à plusieurs niveaux, un siècle après, mais presque plus important encore, 130 ans après la naissance des Jeux olympiques modernes. C’est un double anniversaire. 100 ans après les derniers jeux à Paris et celui du discours de Pierre, le 23 juin 1894 à la Sorbonne, discours fondateur du rétablissement des Jeux olympiques modernes. Je pense qu’on va avoir les yeux du monde entier qui vont être rivés sur nous, pas uniquement parce que ce sont les Jeux olympiques, mais parce que ce sont les Jeux olympiques de Paris. J’espère évidemment que cela va, encore plus porter, les athlètes et nos athlètes.
Imrane A. – Il y a eu beaucoup de polémiques autour de l’organisation, entre les logements étudiants, les augmentations des tarifs, les problèmes de circulation. Aussi, je crois avoir vu des choses autour des travailleurs sans papier. Que pensez-vous ?
Diane de Navacelle de Coubertin – C’est un grand chantier. C’est une sacrée logistique, surtout. C’est énormément d’anticipation, de coordination, que de prévoir et d’imaginer mille scénarios. Je pense que ça n’est jamais parfait. Ce serait presque inhumain que ce soit parfait. Bien évidemment, l’idée, c’est d’aller au plus près de ce qui sera le parfait ou le mieux. Je pense qu’il y a quand même pas mal de choses positives. Bien sûr, il y a toujours des polémiques. Je fais partie de ceux, qui aiment, sans se voiler la face, sans nier, sans ne pas voir les choses qui seront moins réussies, et il y en aura. Je fais aussi partie de ceux qui aiment voir ce qui a fait bouger, et, ce qui a fait avancer. Ce qui a été positif et constructif. Ce qui restera peut-être en plus après ces Jeux, pas que pour les sportifs, mais pour tout le monde. Parce qu’au départ, c’est vraiment cela aussi. C’est un événement mondial et c’est un événement pour tous. Personne ne doit être exclu. Alors évidemment, aujourd’hui, on a des enjeux financiers, on a des contraintes. Oui, les prix des hôtels vont fort probablement flamber, mais dans chaque ville qui a reçu les Jeux, il y a ce phénomène car il y a un engouement pour y assister et où les gens vont être prêts à dépenser comme quelqu’un qui est fan d’un sportif ou d’un artiste. En tout cas, je pense qu’il y a beaucoup de choses positives. Je pense que, même ça, ces prix qui vont flamber, ça va faire quelque part plaisir à certaines personnes qui vont pouvoir s’offrir une belle place pour aller au Jeux, un bel appartement pour résider, et, pour celui qui aura loué son appartement, cela va lui payer des vacances qu’il n’aurait peut-être pas pu se payer. Voilà, il n’y aura pas que du négatif, tout le monde va aussi y trouver quelque chose. Il y aura sûrement des gens qui auront moins de chance, mais ça, c’est un peu la vie de manière générale. Et il y a vraiment des critères importants et des marqueurs importants pour ces Jeux de Paris qui sont une équité entre le nombre d’athlètes, hommes et femmes, un logo unique pour parler d’olympisme et de paralympisme. Le paralympisme, c’est la prolongation de l’olympisme, et, il est juste que ce rapprochement soit fait. Mascotte, quasiment identique, la seule chose qui permet de les dissocier, c’est la jambe de l’une qui est une jambe paralympique. Je pense qu’on va aussi essayer de cocher la case d’être le plus environnemental, écologiquement impliqué, de vraiment prendre ce sujet en compte dans les infrastructures qui existent, et, qui ont été réhabilitées. Donc trois grands sujets, l’inclusion, la place de la femme, le développement durable et l’environnement, des sujets forts et importants aujourd’hui sur lesquels, j’essaye aussi de faire bouger les lignes, en parlant, en portant des projets ou en les accompagnant par le biais de l’éducation et par le biais de la culture. Ce sont des thèmes qui, à l’époque de Pierre, étaient soit malmenés, comme la place de la femme, soit quasiment inexistants. Donc, c’est là où, je m’inscris dans la continuité et dans mon époque.
Imrane A. – Quelle est votre vision de l’avenir de ces Jeux olympiques, de ce projet, qu’a lancé Pierre de Coubertin, surtout dans notre contexte géopolitique de plus en plus tendu, le conflit en Ukraine avec les athlètes russes, le conflit israélo-palestinien, la situation en Chine etc. Le contexte est de plus en plus dur. Est-ce que les Jeux olympiques ont un poids dans cette situation ?
Diane de Navacelle de Coubertin – Ils ont forcément un impact parce que c’est un événement mondial. Cela concerne, encore une fois, 206 pays. Maintenant, je pense qu’il faut que les Jeux olympiques soient au départ, même si c’est quelque part incontournable, apolitique. Leur vocation première, c’est de contribuer à la paix dans le monde, de créer du lien et d’ouvrir des dialogues, de créer des amitiés. Donc, évidemment, c’est particulièrement tentant d’instrumentaliser les Jeux pour défendre une cause, pour défendre une politique pour de multiples raisons. Et cela a été fait tout au long de l’histoire des Jeux olympiques. Je pense aux Jeux de 1972 de Munich, où il y a eu cet attentat. On est dans une configuration, 50-51 ans après, avec un conflit qui est toujours là. Je pense, que si les Jeux doivent être instrumentalisés, c’est pour faire avancer les choses dans le bon sens et apaiser plutôt que d’aviver. C’est peut-être démago de dire ça, je n’en sais rien. C’est peut-être idéaliste. Mais, il faut être idéaliste parce que sinon, on ne fait pas avancer les choses. Je pense que ces Jeux ont une force que j’aime et une capacité à faire connaître, à faire savoir, à faire bouger et à faire rencontrer. Mais on ne peut pas tout contrôler. Moi, par exemple, sans porter de jugement, j’ai été invitée, il y a un an, à aller soutenir une compétition sportive pour des jeunes, organisée par la Fédération du sport scolaire ukrainien, en pleine guerre en novembre 2022. Une semaine avant, ils étaient bombardés et, d’ailleurs, même la Pologne avait été touchée. Je me suis beaucoup posée la question, on m’a déconseillé d’y aller en me disant que c’était irraisonné, complètement fou. J’ai fait le choix d’y aller parce que je me suis dit que c’était important que je montre mon soutien à des gens qui essayent de donner, au milieu de quelque chose qu’ils ne contrôlent pas, à des enfants qui n’ont pas forcément choisi ce qui leur arrive, la possibilité de vivre pendant quelques jours, pendant un temps court sûrement, un moment de simplicité, de joie, de compétition sportive, d’amitié, de rencontres et de presque normalité, dans le bon sens du terme. Des jeunes, qui sont venus des 25 régions, il y a 25 régions en Ukraine, il y avait des délégations pour chacune d’entre elles, pas une seule absente en pleine guerre. Il y avait des jeunes qui n’avaient plus de maison, plus d’école, plus de parents et ils sont venus. Pour eux, je pense que c’était important de pouvoir vivre ce moment-là aussi. Parce que la vie, elle n’est pas rose tous les jours. Mais on peut choisir de se battre et de trouver des choses positives à faire. Mon idée, n’était pas de prendre parti, mais c’était d’aller soutenir des gens qui souhaitaient par le biais de cette compétition, intitulée les Cool Games, de faire vivre quelque chose de positif et de constructif à des jeunes qui avaient tout autant le droit de le vivre et à qui cela aurait été, je trouve, très dur et triste de le retirer. Donc c’était un peu fou, mais je ne regrette pas du tout de l’avoir fait. Certes, il y avait une part de risque mais j’y suis allée. J »ai voyagé jusqu’à Krakow, et là, on est venu me chercher en voiture. J’ai fait 600 bornes en voiture. Je me suis retrouvée derrière des camions avec des gyrophares, en fait, c’était des camions avec des missiles. J’ai vu un peu de l’intérieur d’un pays en guerre. J’ai eu de la chance, nous n’avons eu qu’une seule alerte sur mes quelques jours de présence. Ils reçoivent sur leur téléphone une alerte qui dit « attention, standby ! ». Donc là, tout s’arrête et on attend. Soit le voyant passe au vert, et, on reprend nos activités, soit il passe au rouge et il faut se mettre à l’abri . Ces jeux auraient pu s’arrêter du jour au lendemain. Ceux qui les ont mis en place, ont mis en place tout un truc qui aurait pu ne jamais avoir lieu, et, pourtant, ils y ont cru. Ils ont eu lieu, et, ça s’est bien passé. Cela a été un super moment tant pour les jeunes et les organisateurs que pour moi. Je suis très heureuse d’avoir pris ce risque, peut être fou, pour aller soutenir quelque chose que je croyais juste.
Imrane A. – Merci beaucoup Madame !
Diane de Navacelle de Coubertin – De rien !
